Vendredi 18 juin 2021
HOMMAGE A UNE GRANDE FIGURE DU CLUB
René GATISSOU
Commandeur de la Légion d’honneur
Compagnon de la Libération
Forces Aériennes Françaises Libres
Ce vendredi 18 juin, en commémoration de l’appel du Général DE GAULLE, un hommage solennel était rendu à René GATISSOU,
Héros de la résistance et Ancien Membre de notre Club.
C’EST L’OCCASION DE RENDRE HOMMAGE À CET HOMME EXCEPTIONNEL, DONT LES QUALITÉS HUMAINES ET MORALES SONT UN EXEMPLE EN PARTICULIER POUR NOS JEUNES GÉNÉRATIONS. POUR NE PAS OUBLIER, GARDER LA MÉMOIRE DE TOUS CEUX À QUI NOUS SOMMES REDEVABLES DE NOTRE LIBERTÉ ACTUELLE. RENÉ GATISSOU, FRANÇAIS LIBRE, EST UN EXEMPLE.
Sa Vocation
René GATISSOU est né le 13 mai 1915 à LIBOURNE (GIRONDE). Très jeune il fréquentait l’aéroclub voisin ou il démontrait déjà sa passion pour l’aviation et sa grande connaissance des moteurs. Pour des raisons familiales, il est obligé d’interrompre ses études et s’engage à 18 ans, le 17 avril 1934, comme volontaire à la Base de recrutement d’ANGOULEME. Il est affecté dans un régiment d’aviation au MAROC pour instruction le 27/04/1934 et après plusieurs changements de corps à MECKNES, ALGER, MAISON BLANCHE, il revient en FRANCE pour suivre en 1935 l’école des mécaniciens de ROCHEFORT et passer ses examens, Après une année de cours intenses, il est reçu 3ème sur un peu plus de 300 élèves. Il est affecté le 11/04/1936 à la 54ème escadrille où il sera nommé caporal le 01/06/1936.
Son affectation à DJIBOUTI
Quand la guerre éclate le 22 septembre 1939, René est à DJIBOUTI… Après l’armistice signé le 22 juin 1940, il y a eu un certain flottement. Le Général LEGENTILHOMME quittait DJIBOUTI et passait avec plusieurs officiers en SOMALIE BRITANNIQUE. René a décidé de rester à DJIBOUTI.
La résistance
On commençait à connaitre ses idées peu compatibles avec celle de Vichy. Ce territoire français était très favorable au Régime de VICHY, contrairement à d’autres territoires d’Outre-Mer et il ne s’était pas rallié à la France Libre. L’Appel du Général DE GAULLE du 18 juin n’avait pas été entendu. Il y régnait un esprit très collaborationniste. La majorité des militaires était d’accord pour appliquer les clauses de l’Armistice.
Devant le manque général d’enthousiasme pour reprendre la lutte et le refus des Autorités de rallier la France Libre, plusieurs ont préféré tenter l’aventure d’une évasion. Une première tentative effectuée en septembre 1941 s’était soldée par un échec. René GATISSOU avait essayé de franchir la frontière en voiture mais les Italiens la bloquaient et il avait dû faire demi-tour sans se faire prendre.
Avec un petit groupe d’amis civils, il avait monté un groupe de résistance, essentiellement du renseignement, sans assassinat ni dynamitage, et d’évasion, en liaison avec la Royal Air Force. Les renseignements étaient très importants pour les Anglais d’ADEN. Les messages étaient transmis avec un poste de radio clandestin. René fournissait ainsi des renseignements militaires aux Alliés au YEMEN et au SOMALILAND. Il organisait des évasions d’aviateurs alliés (blessés ou non) en direction d’ADEN, et avait même préparé une attaque sur DJIBOUTI que les Anglais ne mettront pas en œuvre.
L’évasion
Sachant depuis quelques temps ce qui l’attendait, René avait préparé depuis 6 mois avec son ami GRIVEAU, directeur du Port de DJIBOUTI, officier de la Marine Marchande, un plan d’évasion basé sur le vol de la vedette du Gouverneur, ardent vichyste, pour rejoindre les forces anglaises à ADEN. Les mouvements de la vedette étaient très surveillés par les deux bataillons qui gardaient le port
La clé de la réussite était de stocker suffisamment d’essence pour pourvoir rallier ADEN avec un bateau et la stocker sans se faire prendre. Il fallait donc préparer une réserve d’essence car il n’y en avait pas beaucoup. André GIVEAU, le Directeur du port, à chaque bidon qu’il vidait dans une cuve dans son travail habituel, en gardait un peu au fond de façon à le transvaser dans un autre jerrican qu’il gardait pour plus tard. Cela leur a pris beaucoup de temps.
Environ ½ heure après avoir appris sa future arrestation, GATISSOU avertit GRIVEAU de la situation et ils décidèrent de s’enfuir vers minuit. GRIVEAU transvasa alors les fonds de jerricans stockés dans des jerricans pleins.
A minuit, le directeur du port, André GRIVEAU et le sergent-chef René GATISSOU se rendent sur la jetée au bout de laquelle se trouve la vedette du Gouverneur qu’ils ont décidé d’« emprunter » ! Avec la complicité d’autres marins, ils montent à bord de la vedette.
La vedette, avec les 2 évadés, va pouvoir s’échapper vers la SOMALIE Britannique : ADEN en pleine nuit, cap Nord-Est, à environ 180 miles. C’était le 27 avril 1941. Mais dans la vedette, se trouvaient également 2 tirailleurs sénégalais qui dormaient à bord et qui se trouvaient embarqués malgré eux dans cette évasion. Ils ne voulaient pas partir avec les « évadés » qui ont dû les attacher, les saucissonner sous les banquettes du bateau. Ils rejoindront par la suite la France Combattante.
Au petit matin, les falaises de la SOMALILAND, entre ZEILAH et BERBERA, étaient en vue et exténués, après une nuit de tempête, ils ont mis la vedette à l’abri des palétuviers et ont pu rejoindre un poste britannique à ZEILA où les forces britanniques, qui venaient d’arriver en pleine reconquête de ce territoire, feront 30.000 prisonniers italiens.
Suite à cette évasion, René GATISSOU sera condamné à mort par contumace par le gouvernement de VICHY, et sa mère, restée en FRANCE, sera même inquiétée.
Le ralliement aux Forces Françaises Libres
Le lendemain, 29 avril 1941, miracle, le Général Le GENTILHOMME, commandant les FFL de SYRIE, débarque à ZEILA dans un avion et annonce à René GATISSOU « je viens vous chercher, on va à ADEN » ! Naturellement à ADEN, il est accueilli à bras ouvert par les officiers britanniques qui le connaissaient bien. GATISSOU rallie alors les Forces Aériennes Françaises Libres (FAFL). Son engagement dans les FAFL est daté du 27 avril 1941, jour de son évasion.
Après un stage d’un mois René rejoint le 8th Squadron Bomber de la RAF, basé à ADEN en opérations de guerre sur le théâtre d’opérations des Somalies,
Il est donc affecté, le 25 juin 1941, au Groupe Réservé de Bombardement n° 1 opérant des missions depuis KHARTOUM sur l’ABYSINIE, la SYRIE et l’ERYTHREE. Ce groupe franco-britannique rassemblait des éléments de BRAZZAVILLE et de la campagne de soutien au Général LECLERC à KOUFRA.
Le travail de René et ses connaissances y ont rendu de très grands services. En outre, il effectuera plusieurs missions comme mitrailleur. Les équipages étaient pluridisciplinaires et René GATISSOU aimait également piloter…
Le groupe Lorraine: le Moyen Orient
Fin septembre 1941, René rejoint par avion DAMAS où une heureuse surprise l’attendait. Sur décision du Général VALIN, le GRB 1 devenait le Groupe Lorraine avec les deux escadrilles, « Metz » et « Nancy ».
René a participé à de nombreuses opérations allant de BENGHASI au golfe de SYRTE jusqu’à la contre-attaque de ROMMEL qui obligea les alliés à se replier jusqu’à EL ALAMEIN. La grande bataille de la reconquête d’octobre 1942 fera 40.000 prisonniers de l’Africa Korps.
Retour en ANGLETERRE
En novembre 1942, l’ordre est donné à tout le Groupe « Lorraine » de se rendre à PORT SAÏD où les Forces Françaises Libres sont regroupées pour embarquer à destination de l’ ANGLETERRE.
René GATISSOU y embarque le 12/11/1942 sur le transport de troupe « ORDUNA », un vieux rafiot, datant de la précédente guerre et rebaptisé par les français « Ordura ». Après 50 jours de mer, seul ou en convoi (dans l’Atlantique Nord, le convoi a eu plusieurs bateaux coulés par des sous-marins allemands), le rafiot arrive le 31 décembre 1942 à GLASGOW-GREENOCK en ECOSSE avec le Groupe Lorraine, sous 30 cm de neige dans les rues. Ils étaient en shorts et chemisettes !
Durant ce long voyage en bateau entre l’AFRIQUE et l’ANGLETERRE, il côtoie Romain GARY qui lui apprend l’anglais à raison de deux heures de cours par jour. Une nouvelle page d’histoire s’ouvre…
L’ANGLETERRE : le Groupe Lorraine
Transféré à CAMBERLEY, le camp des Français Libres, à proximité de LONDRES, René fait beaucoup de sport et suit des cours d’anglais. Après avoir passé avec succès tests et examens au Ministère de l’Air britannique, il obtiendra de bons résultats pour ce qui concernait la mécanique mais beaucoup moins en « administration »… GATISSOU est admis à l’école des Ingénieurs Mécaniciens de la RAF à COSFORD, près d’HALBERTON pour suivre un cours accéléré. Stage rapide, difficile, où il obtient de bons résultats et sera très bien noté Ce sera le seul français ayant suivi cette formation.
A l’issue de cette formation, il est officiellement nommé Sous-lieutenant le 15/03/1943 et affecté officier mécanicien à l’Escadrille Nancy le 30/04/1943 qui faisait partie du Groupe Lorraine qui venait d’être reconstitué le Ier avril 1943, comme unité française rattachée à la ROYAL AIR FORCE, et immatriculé » SQUADRON N°342.
Il sera ensuite affecté au groupe Lorraine, le 01/01/1944, dont Il prend la responsabilité totale en ce qui concerne la préparation technique des vols et la direction de la maintenance des appareils et où il se distingue par la parfaite organisation de son service. Il participe fréquemment à des missions de guerre, sur le front occidental, en particulier comme mitrailleur AR. René est engagé dans des missions de bombardements de jour et de nuit, à moyenne ou très basse altitude. Il est nommé Lieutenant le 25/03/1944.
Le lieutenant René GATISSOU est qualifié comme « Air Gunner » à compter du 17 avril 1944. On relève sa participation pour plusieurs missions de bombardements sur le front de NORMANDIE.
Il prend part, notamment, le 01 mai 1944, au bombardement de la gare de triage de CAMBRAI, et en juin 1944 sur HAMBURES (seine maritime) , puis les 9 et 10 juillet en patrouille au-dessus de la Seine Inférieure par mauvais temps, sur la gare de triage de DOUAI, puis en mission très dangereuse sur la côte, à BOULOGNE-SUR-MER.
Lors du débarquement du 6 juin 1944, douze « Boston » du Groupe « Lorraine » décollant par paires, de dix minutes en dix minutes, tendent à 6 H du matin, devant la flotte de débarquement, à une altitudes 100 mètres, un rideau de fumée à partir de la pointe de BARFLEUR jusqu’à l’embouchure de la VIRE, secteur attribué aux forces américaines, pour protéger la flotte alliée des bombardements allemands.
Fin de la guerre
Début octobre 1944, Michel FOURQUET, le nouveau responsable du Squadron, dépose GATISSOU, seul, à VITRY en ARTOIS sur le sol français après 8 ans d’absence, avec une lettre de mission du Général DE GAULLE. Il s’agit de préparer la première base en France et d’installer la logistique d’accueil de l’escadron britannique auquel appartenait le Groupe Lorraine. En 3 semaines, avec l’aide de la « Résistance » locale, le terrain sera opérationnel et la 137ème Wing y atterrira dès le 17 octobre.
Les affectations après la guerre
Il poursuit sa carrière militaire au sein du corps des officiers mécaniciens et est affecté le 14 octobre 1945 aux Forces Aériennes Françaises pour une mission aux Indes (CALCUTTA). René est ensuite muté à SAIGON le 15/04/1946 où il arrive, en mai 1946, pour prendre part à la campagne d’INDOCHINE. Il sera nommé capitaine le 25/03/1947.
Il participe à de nombreuses missions dont certaines humanitaires, en particulier pour porter secours à 4 femmes prisonnières au nord de SAIGON, en parachutant des vivres et des médicaments. Par la suite, en 1948, René épousera une des femmes libérées, Juliette DURANDAU, fille d’un Professeur très connu du Lycée de SAIGON, en la Cathédrale de SAIGON, entouré de tous ses amis de l’Armée de l’Air.
Titulaire de deux citations, le capitaine GATISSOU rentre en métropole le 03/10/1949.
Après d’autres missions extérieures, il revient en France à la fin de 1956 à la 5 ème Escadrille. Il prendra sa retraite en mars 1960 après 50 missions de guerre avec 400 heures de vol dont 41 heures de vol de guerre et 26 ans d’engagement au service de la FRANCE, avec le grade de Commandant. La même année il est nommé Lieutenant-Colonel de réserve le 1/12/1961. Il sera nommé Lieutenant-Colonel honoraire en 1976.
· Commandeur de la Légion d’Honneur – décret du 13 mai 1996
• Croix de la Libération – ordonnance du 07/01/1944 (signé par le général de Gaulle)
• Croix de Guerre 39/45 (3 citations—2 palmes)
• Croix de Guerre des TOE (2 citations)
• Médaille Coloniale avec agrafes « Somalie », « Erythrée », « Libye », « E -O »
• Médaille des Evadés 20/08/1945
· Médaille de l’Aéronautique 18/06/1946
• Croix du Combattant Volontaire 39-45
• Croix du Combattant Volontaire de la Résistance 16/05/1947
• Médaille Commémorative des Services Volontaires dans la France Libre
• Mention in dispatch – War Medal (GB) – 11 juin 1942
• Membre honorifique de l’Ordre de l’Empire Britannique
APRÈS UNE RECONVERSION CIVILE REUSSIE À L’INTERNATIONAL CHEZ TECHNIP, IL SE CONSACRERA À SA FAMILLE ET À DES ACTIONS HUMANITAIRES.
MEMBRE DU LIONS CLUB INTERNATIONAL OU IL A SERVI PENDANT PLUS DE CINQUANTE ANS (IL AVAIT PARTICIPÉ À LA CRÉATION DU LIONS CLUB DE MEKNÈS EN 1957), IL A REJOINT LE LIONS CLUB DE SAINT-GERMAIN-EN LAYE, PARTICIPANT À DE NOMBREUSES ACTIONS SOCIALES ET HUMANITAIRES, AVEC MODESTIE, GENTILLESSE ET DISCRÉTION, RESPECTANT NOTRE DEVISE « WE SERVE » : NOUS SERVONS.
C’EST CE QU’IL AURA OBSERVÉ TOUT AU LONG DE SA VIE.
Extraits de l’allocution de Bernard LAPEYRERE, lors de l’Inauguration du square René GATISSOU, à SAINT-GERMAIN-EN-LAYE, le 26 mai 2018.